mercredi 8 février 2012

Le film "Persépolis" et l'affaire NessmaTV en Tunisie

Ces jours-ci, la Tunisie a vécu l'affaire "Nessma TV". La chaîne de télévision a été convoquée devant la justice tunisienne pour violation de la sacralité pour la diffusion du film Persépolis.
Retournons un peu en arrière pour mieux comprendre ce dossier qui a soulevé beaucoup de polémiques et fait couler beaucoup d’encre.
En guide ce rappel, Persépolis est une biographie réalisée et écrite par Marjane Satrapi, une iranienne qui prend le point de vue de la petite fille qu’elle était dans son enfance. La petite fille vit la chute du Chah d'Iran à la fin des années 70. Elle vit alors avec ses parents, communistes et opposants au Chah. La chute du Chah devrait être une bonne nouvelle, sauf que l’Iran se prépare à vivre un tournant politique et culturel majeur, comme on a pu le voir ensuite avec l’instauration de la république islamique avec toutes les oppressions qui ont suivi. Cette petite fille entreprend donc des discussions avec une divinité. Pendant le film, on voit cette divinité dessinée.
Nessma TV, une chaîne tunisienne qui diffuse dans le Maghreb, diffuse ce film le 30 septembre dernier. Il se trouve que ce film, qui est filmé en bande dessinée a été diffusé dans une version traduite, dans un dialecte tunisien. Depuis la diffusion du film, les messages d’indignation se propagent de façon spectaculaire sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter qui n’ont partagé qu’une seule partie du dessin animé, celle où Dieu est dessiné. Or, dans la religion musulmane, dessiner Dieu ou le Prophète est strictement interdit puisqu'on ne peut pas imaginer et dessiner ce qui est sacré. Donc, ne montrer que cette partie du film où on ne voit que Dieu dessiné, et où l'enfant demande à Dieu de partir, qu’elle ne veut plus le voir et que cet enfant veut devenir prophète suscitent évidemment toutes ces indignations, et tout ceci en dialecte tunisien. Tous ces éléments mis ensemble incitent les personnes qui n'ont pas vu le film et en se basant sur ces seuls extraits à vouloir bannir la chaine. D'ailleurs la maison Directeur Generale  de la chaine a été saccagé et brulé et ses employés menacés.
Le film avait d'ailleurs beaucoup fait jaser à sa sortie et avait remporté le prix du jury au Festival de Cannes en mai 2007.
Voici d'ailleurs une bande-annonce du film Persépolis:
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=VNUGHxZviag[/youtube]
Une manifestation s’est alors organisée sur les réseaux sociaux afin d’aller devant les locaux de cette chaîne pour montrer son indignation et réclamer rien de moins que sa fermeture. Notons aussi que beaucoup d’internautes ont noté sur les réseaux sociaux le caractère similaire entre la réalité décrite en Iran et la peur que la Tunisie ne vive ce tournant vers une république islamique.
Entre sensibilisation, prise de conscience d’un tournant, une insulte à la sacralité, la Tunisie a donc vécu à la veille des élections, des émeutes, des manifestations et beaucoup de polémiques. Cette affaire reste problématique et sujette à beaucoup d'interprétations en Tunisie. Le 23 janvier, les médias ont été interdits d'accès au tribunal pour couvrir l'événement. L'affaire a donc dépassé le dessin animé. Nessma TV plaide l'atteinte à la liberté d'expression et celle de la création et de l'art. Avec l'interdiction des médias et leur agression devant le tribunal par des personnes qui sont contre la diffusion du film et contre la chaîne, l'affaire prend maintenant l'allure d'une atteinte à la liberté des médias. Dans un pays en voie de démocratisation, l'affaire est donc à suivre.

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